> Peau et stress oxydatif

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La peau : un organe à part entière et «entièrement à part»

par le Dr Michel Brack

Une surface de 2 mètres carrés, une épaisseur de moins de 5 millimètres, trouée par plus de 2 millions de pores, un poids qui représente 10 % de celui de l’organisme, un renouvellement des cellules de sa couche superficielle toutes les quatre semaines et une durée de vie de cent cinquante ans, notre peau est un organe à part entière, mais aussi bien particulier.

Résistante, souple, élastique, imperméable, on lui reconnaît au-delà de son rôle d’enveloppe, de multiples fonctions essentielles à l’ensemble de notre organisme.

Aucun autre de nos organes ne peut revendiquer d’être à la fois photoprotecteur, thermorégulateur, barrière de défense, mais aussi récepteur sensoriel et capable de synthétiser des produits indispensables à l’organisme comme la vitamine D.

Ce «touche à tout» extraordinaire sait aussi, à l’occasion, se convertir en outil relationnel particulièrement sensible…

Si cette position unique à l’interface de notre milieu intérieur et de notre environnement confère à notre enveloppe autant de noblesse, elle l’expose aussi plus que d’autres à de nombreux agresseurs.

Ainsi, le tabagisme, qu’il soit actif ou passif, l’alcool, le stress, la pollution et l’alimentation jouent un rôle particulièrement néfaste pour la santé de notre peau. Une sensibilité «à fleur de peau»

La peau est très sensible à la carence de nourriture ou, plus encore, aux déficits de substances nutritives particulières.

Une réduction d’apport ou d’absorption des protéines, des vitamines ou de nutriments essentiels comme le fer ou le zinc a des conséquences immédiates sur la santé de la peau.

Les modifications cutanées liées à ces états sont si spécifiques que le trouble provoqué par une carence nutritionnelle peut être diagnostiqué avec certitude.

Les liens entre maladies cutanées et altérations diététiques sont, à ce propos, bien connus :

  • dermatite atopique et allergies alimentaires;
  • psoriasis et carence en acides gras polyinsaturés, vitamine D et A;
  • dermatite herpétiforme et gluten;
  • dermatite séborrhéique et carence en biotine;
  • dermatite eczémateuse et carence en zinc…

 

Prise entre marteau et enclume du stress oxydatif

Cependant, depuis peu, un intérêt légitime s’est focalisé sur les conséquences sur la peau de l’agression radicalaire, autrement dit du stress oxydatif.

Là aussi, et peut-être plus qu’ailleurs, la peau est un organe particulièrement victime du stress oxydatif.

Ce triste privilège est lié à plusieurs facteurs :

  • elle est le seul organe (avec l’œil et en partie les poumons), exposé au stress oxydatif de l’extérieur (pollution, tabac, rayons UV), et de l’intérieur (stress oxydatif interne de l’organisme);
  • tous ces constituants sont victimes des radicaux libres : les lipides, en particulier du film hydrolipidique, les protéines, en particulier celles qui maintiennent la tonicité et l’élasticité de la peau, et même l’ADN des noyaux cellulaires et des mitochondries;
  • de nombreuses maladies cutanées sont liées de près ou de loin au stress oxydatif : la dermatose atopique, le psoriasis, certains eczémas, le vitiligo, mais aussi les cancers cutanés;
  • de plus, n’échappant pas à la règle, le stress oxydatif est la raison essentielle du vieillissement prématuré cutané.

 

Des rides et des larmes…

La peau est le miroir implacable de notre vieillissement…

Les premières rides sont très souvent vécues comme les premiers signes du déclin.

En matière de vieillissement, là aussi, notre peau cumule les ennuis.

Deux phénomènes distincts se liguent contre elle :

  • Le vieillissement physiologique, qui est celui de notre organisme tout entier, et le vieillissement photo-induit ou «héliodermie», prix supplémentaire à payer à l’exposition au soleil.
  • Le vieillissement photo-induit est différent du premier et concerne les zones exposées.

Les radicaux libres dégradent de façon continuelle, progressive et cumulative les cellules et les tissus jusqu’à la dégénérescence finale.

Les UV non seulement oxydent tous les constituants des couches cutanées, mais, de surcroît, dégradent les défenses antioxydantes.

Très récemment, les chercheurs ont démontré que des mutations provoquées par les radicaux libres sur l’ADN mitochondrial jouaient un rôle majeur dans la sénescence photo-induite.

La peau exposée de manière chronique au soleil et montrant des signes d’héliodermie a une fréquence de mutation de l’ADN mitochondrial plus élevé que la peau protégée du soleil.

Ces mutations ont une double conséquence, une baisse de l’activité des mitochondries (usines énergétiques de l’organisme) et une surproduction de radicaux libres par ces mitochondries altérées. Enfin, ces mutations ainsi que l’augmentation de leur nombre peuvent s’observer plus de dix-huit mois après l’arrêt de l’exposition…

Tout ceci indique que les antioxydants représentent une voie d’avenir pour la prévention de l’héliodermie.

Qui aura la peau du stress oxydatif cutané ?

Bien que victime privilégiée, la peau présente cependant quelques avantages.

Elle est, contrairement à bien d’autres organes, accessible à la vue et, surtout, accessible aux traitements.

De nombreuses études ont essayé de prouver l’efficacité des antioxydants délivrés directement sur la peau.

Ainsi, le Co enzyme Q10 diminue le stress oxydatif induit par les UV en stimulant la synthèse de la superoxyde dismutase et de la glutathion peroxydase.

Le glutathion et la ferritine (une protéine qui capture le fer pro-oxydant), diminuent le stress oxydatif provoqué par les UVA, quand le complexe vitamines E et C diminue celui induit par les UVB. Cette prise en charge nouvelle du vieillissement cutané est essentielle, elle impose des stratégies précises et sur le long cours.

En attendant des méthodes diagnostiques du stress oxydatif sur la peau, qui n’existent pas encore, il apparaît indispensable de baser ces stratégies sur un bilan sanguin du stress oxydatif.

Tout ceci confirme que chaque antioxydant a une activité propre et qu’il est préférable, comme cela est communément admis pour les supplémentations anti-oxydantes, d’associer plusieurs principes actifs dans les crèmes anti-oxydantes.

Enfin, l’agression radicalaire étant si redoutable, et prenant «en sandwich» la peau, il est plus que légitime d’attaquer ce fléau également de l’intérieur.

Dernière mise à jour le 04/09/2009